• Pas même un temps à mettre un chien dehors

    Ceci est un autre projet en cours, commencé il y a quelques mois. Ce livre devrait faire office de One Shoot pour connaitre mon potentiel de publication (auprès des maisons d'éditions). Ce livre fera une centaine de pages.

     

    voilà en quelques mots l'histoire :

    Lors d'une journée pluvieuse, Marc, sa femme Mathilde et sa fille, sont victimes d'un accident de la route. Les enquêteurs commencent à chercher la raison de l'accident, mais il n'y a aucun indice, aucune trace sur la route. Les enquêteurs ne comprennent pas ce qu'il s'est passé et l'enquête avance au ralenti.

    En parallèle, Marc, toujours dans le coma revit mentalement l'ensemble de son existence.
    Et si Marc se rappelait de l'accident pourrait-il expliquer à M. Francel les raisons de l'accident ?
    Mais s'il ne réveillait pas ?
    Voilà les questions qui tracassent M. Francel.

    Edit (30/12/16) : 1ère écriture terminée. Manuscrit envoyé à des lecteurs beta pour juger la qualité.

     

    Edit 2 : (Mars 2017) : Encore un retour à attendre puis envoi en maison d'édition

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    Cela faisait quelques jours que je suis alitée, je ne pouvais presque plus bouger. Mes muscles n’étaient plus très réactifs. Ce bébé allait me tuer, il me prenait toutes mes forces. J’avais pourtant tout fait pour en garder en mangeant plus. Je pris d’ailleurs 20kg lors de ma grossesse. Mon médecin me demanda de moins manger, ceci sera bénéfique pour l’enfant et pour moi. Je suivis suivi son conseil, mais j’eus l’impression de n’être qu’un légume. Heureusement, j’arrivai à terme d’ici quelques jours. J’attendais patiemment mon admission à la maternité, mais je ne ressentais encore aucune contraction. n’avais pas encore eu de contraction. C’était mon premier enfant, et après m’être renseignée, je sus que je devais aller à la maternité seulement à l’apparition des premières contractions. Pour le moment, mon mari s’occupait de moi, mais son regard envers moi changea. Comme si j’étais une autre personne, différente de celle qu’il avait épousée maintenant que j’allais donner la vie. Je redoutais cette réaction, mais désormais je la lisai sur son visage et je pensais nos jours ensemble comptés.

     

    Un ou deux jours plus tard, des contractions douloureuses firent leur apparition. Devenues régulières, je sus que je ne devais plus trop tarder à aller à la maternité. Je demandai donc à mon mari de m’accompagner, ne pouvant pas conduire. Il prit les clés de la voiture et m’aida à m’installer. Le trajet jusqu’à la maternité n’était pas très long mais je le vécus comme une vraie souffrance. Les contractions mêlées à la conduite agressive de mon mari augmentèrent mon stress et ma douleur. Je fus soulagée lorsqu’il s’arrêta enfin devant la porte de la maternité. Dès l’instant où je fus prise en charge, je n’eus plus de nouvelles de mon mari jusqu’à l’accouchement. J’étais seule avec les sages-femmes. Elles me posèrent des tas de questions. Je m’en moquais, je répondis sans vraiment écouter les questions, je cherchai toujours mon mari du regard.

     

    Au bout d’un moment la sage-femme qui me suivait, éleva la voix pour que je reprenne mes esprits. Je venais de répondre n’importe quoi au médecin. Il comprit alors que je n’écoutais pas et me refit passer la batterie de questions que j’avais bâclée. Vu la pénibilité du questionnaire, j’aurais mieux fait de me concentrer avant, mais tant pis pour moi. Avant la fin du questionnaire, des contractions plus rapides et plus douloureuses apparues. La sage-femme remarqua cette accélération sur les moniteurs et elle en référa à mon médecin. Il décida d’appeler le gynécologue, pour procéder à mon accouchement.

     

     

     

    Une fois bien installée dans mon lit et mis en salle d’accouchement, je fus branchée à de nombreux appareils. L’un d’eux bipait à chaque contraction, et le gynécologue me disait de pousser fort à chaque bruit. Ce fut l’appareil que je détestais le plus pendant, et plusieurs jours, je ne pus plus entendre de « bip » sans penser à mon accouchement. Même la sonnerie d’un micro-ondes me fit penser à ça. Les premiers jours chez moi après mon accouchement jours chez moi furent terriblement difficiles mais je ne les regrettais pas, bien au contraire.

     

    Le plus difficile dans ma grossesse fût clairement l’accouchement. Bien qu’il fût engagé, le travail n’en dura pas moins longtemps. Je refusai la péridurale par principe. J’étais donc restée près de dix heures à essayer de faire sortir mon fils de mes entrailles. Je réussis à gagner ce long combat contre ce petit être chétif d’à peine 1.5kg. Je lui rendais ses mérites, il s’était très bien battu. J’étais sortie vainqueur du combat, mais il faillit gagner par K.O. Le gynécologue m’ayant prévu qu’il allait pratiquer une césarienne dans les 5 minutes puisque le bébé commençait à être en souffrance. Je mis donc mes dernières forces dans ces ultimes secondes, et mes efforts furent récompensés.

     

     

     

    Quelques minutes après l’accouchement, je cherchai toujours mon mari mais je ne le voyais toujours pas. Une sage-femme arriva et déposa mon fils dans le creux de mon bras. Dès lors toutes mes pensées allèrent vers ce petit être ne dépassant pas les 40 centimètres. Jamais je ne vis un bébé aussi petit, mais c’était le mien et je ne comptais pas le l’abandonner. Pourtant, je ne pus rien faire lorsque les puéricultrices vinrent le reprendre pour le placer dans une couveuse. Sa taille et son poids ne lui permirent pas de garder une température correcte. Je dus rester quelques jours à la maternité toujours alitée pour me remettre de mes efforts consentis. J’avais peur pour mon enfant, je ne l’avais pas revu depuis que j’étais sortie du bloc. Je savais pertinemment qu’il grandirait, je le ressentis dès que je le pris dans mes bras. C’était mon fils, un battant, je savais qu’il allait s’en sortir.

     

     

     

    Après m’être reposée plusieurs heures, je sentis les forces revenir en moi. Je pouvais enfin me déplacer. Je demandai donc à une infirmière s’il était possible de m’accompagner jusqu’à mon fils. Jugeant mon état de santé et mes constantes bonnes, elle donna son approbation, et me proposa un fauteuil roulant. Je le refusai gentiment, mais elle le prit tout de même avec elle. Elle connaissait très bien son travail, elle sut pertinemment que je serai fatiguée et que j’en aurais besoin dans un moment. Pleine de fierté, et faisant fi de sa volonté de prendre un fauteuil, je me lançai en direction de la salle de pédiatrie. On m’indiqua la couveuse de min fils, je ne pus le voir qu’à travers une vitre, toujours séparés pensais-je.

     

    -          « Quand pourrais-je le prendre dans mes bras ?

     

    -          Nous devons le garder encore quelques heures en couveuse. Il est important qu’il reste au chaud le temps que sa température se régule. »

     

     

     

    À ces mots, je me sentis d’un coup lasse. Avec une rapidité déconcertante, l’infirmière qui tenait le fauteuil le glissa sous mes jambes et je m’effondrai dedans. Je ne souhaitais pas être séparée plus longtemps de mon fils mais je ne pus rien faire contre l’avis des médecins. Ils connaissaient très bien leur travail et je leur fis confiance pour avoir un jugement objectif. Ce ne fut que plus tard que je rompis ma confiance dans le corps médical…

     

     

     

     

     

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    Je ne comprends pas ce qu’il se passe. J’ouvre à nouveau les yeux, ou plutôt j’ai l’impression de le faire mais mon corps ne réagit toujours pas à mes ordres. C’est comme si la connexion entre mon cerveau et le reste de mon corps est rompue. Je ne sais que faire pour qu’elle se réactive. Je tente de me débattre avec moi-même en espérant un infime geste de mon corps, prouvant qu’il reçoit bien mes ordres, toujours sans succès.

     

    À l’absence de bruit autour de moi, je devine que je suis seul dans la pièce. De toute façon qui peut se tenir là ? La seule famille qu’il me reste, ma femme et ma fille, sont également à l’hôpital. Personne n’a dû être prévenu de notre accident. Comme toute personne seule, je me mets à réfléchir, cherchant à comprendre ce qu’il se passait. Je suis en train de revivre mes premiers jours, près de ma mère. Suis-je en train de mourir si bien que je vois ma vie défiler devant mes yeux ? Ou bien suis-je simplement un fou inventant ses propres souvenirs. Je n’en sais rien, et encore moins comment cela est possible. Je n’ai jamais vécu ça auparavant. Pendant mes divagations, je me pose des dizaines de questions, et j’ai à nouveau l’impression que mon esprit est aspiré par mon corps. Je ne contrôle plus mes pensées. Quoiqu’il en soit, elles vont toutes vers Mathilde et Angélina. Je n’ai toujours aucune nouvelle, je m’impatiente vraiment. Cette attente est pire que tout.

     

     

     

     

     

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    Je plaçais toujours ma main contre la vitre espérant qu’il ferait comme moi, mais son petit corps ne bougeait pas vraiment. Les mouvements les plus visibles étaient ceux de son torse, se gonflant au gré de sa respiration. A part cela, il n’était pas très animé, en tout cas beaucoup moins que les autres bébés. J’attendai patiemment de pouvoir reprendre mon enfant dans les bras, mais après plusieurs heures d’attente, l’infirmière me conduisit dans ma chambre pour que je me repose. Encore une fois.

     

    Le lendemain matin, j’eus le droit à une petite surprise. Les médecins, comprenant mon malheur, firent une concession. Ils autorisèrent que mon fils sorte quelques minutes de la couveuse. Ainsi je pus le prendre dans mes bras, c’était un réel plaisir. Mais son manque de vivacité commençait sérieusement à m’inquiéter. Je tentai d’en parler avec les infirmières, elles m’avaient simplement répondu qu’il fallait attendre. Cela arrivait parfois chez certains bébés, qu’ils soient prématurés ou non.

     

    Le jour suivant, les médecins acceptèrent à nouveau une rapide sortie de la couveuse. Je pris à nouveau mon fils dans mes bras et les larmes me vinrent. J’étais heureuse tout simplement. Toutes mes pensées se dirigèrent sur ce petit être. Je ne pensais plus du tout à ce mari absent. Je ne l’avais toujours pas revu depuis qu’il m’avait transportée à la maternité. Mais peu importe, aujourd’hui je tenais toute ma vie dans mes bras. Très vite mon euphorie se transforma. Dès que je pris mon fils dans mes bras, il se mit à pleurer, je ne comprenais pas. J’essayai par tous les moyens de le calmer mais rien n’y fit. J’avais beau le bercer, chanter, il continua inlassablement de pleurer. Au bout de quelques minutes, Marc fut reposé dans sa couveuse, et comme par magie il s’arrêta de pleurer. Quelle pire épreuve pour une mère que de voir son fils pleurer lorsqu’elle prend dans ses bras ? Dans l’après-midi, je retentai l’opération. Et pour le même résultat. Mon fils pleurait dès que je le touchais, et s’arrêter à l’instant où mes mains le quittaient. Ce fut très traumatisant, et perturbant. Là encore, je demandai un avis aux sages-femmes, qui avaient largement plus d’expérience que moi dans ce domaine. Elles me confirmèrent que cela arrivait parfois, les enfants ont du mal à reconnaître leur mère. Encore une fois, elles me conseillèrent d’être patiente et que cela allait s’arranger. Les jours suivants, j’effectuais le même rituel, et le résultat resta inchangé. Je ne savais plus quoi faire. Comment l’être que j’avais porté pendant un peu moins de 9 mois pouvait me détester à ce point ? Voilà la question que je me posais depuis quelques temps désormais. Avais-je été une mauvaise mère pendant sa grossesse ? Lui avais-je fait du mal ?

     

     

     

    Devant tant de pleurs et de cris, je demandai simplement aux sages-femmes de ramener mon fils car je ne supportais plus qu’il me rejette ainsi. Ce fut une décision très difficile à prendre, mais elle était nécessaire pour notre bien à tous les deux. Gentiment, elles acceptèrent ma demande et il fut transféré en nursery. Une fois seule, je me remis à penser à tout ce que j’avais fait depuis ma grossesse. Mes premiers mois de boulot sans être trop gênée, ma prise de poids rapide. J’avais beau réfléchir à tout je ne voyais pas la raison qui le poussait à me détester. Peut-être serait-ce différent avec son père, mais il n’était pas là pour vérifier cette hypothèse. Je commençai à comprendre le comportement de mon mari. Il s’était occupé de moi durant les dernières semaines mais sa vision avait changé. Avant j’étais jeune et jolie, et désormais j’étais grosse, je ne l’intéressais plus. Il partit sans un mot dès que je fus prise en charge par les sages-femmes. J’aurais dû m’en douter, mais je l’aimais et je pensais que notre couple traverserait cette épreuve sans difficulté. Je m’étais totalement trompée, tant pis pour moi. Du coup, les larmes commencèrent à perler dans mes yeux et à se répandre le long de mes joues.

     

    Avec volonté, je me repris, mon fils avait besoin de moi. Peut-être sentait-il mon esprit ailleurs. Désormais, je décidai de n’orienter mes pensées que vers mon fils. Avec cette force nouvelle, je demandai la permission de voir à nouveau mon fils. J’espérai que cela suffirait, mais je doutais de ma réussite. Tant pis, je devais tout de même essayer. Accompagnée par une infirmière, je me rendis au chevet de mon fils, on m’autorisa à le prendre dans mes bras. Je redoutai le contact, mais au moment où je le pris, rien ne se produisit, pas un cri ni de pleur. J’étais vraiment heureuse. Mais encore une fois, cet état ne dura pas. Quelques secondes plus tard, les cris et les lamentations reprirent de plus belle. Je lui chuchotai de faire moins de bruit, le berçait, rien ne le calma. Alors je pris la sage décision de le reposer dans son berceau. Et encore une fois, les cris s’estompèrent à l’instant où je le déposai.

     

    La nuit fut longue et bien assez compliquée, avec toutes les questions que je ressassais. Je cherchai toujours à comprendre pourquoi mon fils me tenait en horreur. Lorsque soudain, je compris enfin ce qu’il se passait. Si mon fils pleurait dès que je le prenais dans mes bras, cela signifiait simplement qu’il ne l’était pas. J’essayai de me convaincre de cette idée, mais les sages-femmes ne faisaient pas ce genre d’erreurs. Auraient-elles l’honnêteté de m’avouer leur faute ? Certes, mon fils avait bien le bon nom « Marc » sur son poignet, mais j’étais désormais certaine que ce n’était pas mon Marc. J’attendrai patiemment le lendemain matin pour appeler une auxiliaire puéricultrice et lui exposer mon idée. Elle me prendrait probablement pour une folle mais désormais j’en étais certaine, elles avaient fait une erreur à la naissance. Je ne voyais aucune autre explication possible. Les secondes s’écoulaient, les minutes s’égrainaient mais les heures d’attente étaient des supplices, je n’en pouvais plus. Lorsque soudain, une puéricultrice entra dans ma chambre pour me demander comment j’allais. Je lui répondis gentiment que ça ne pouvait pas aller, cet enfant n’était pas le mien.

     

    Surprise par ma déclaration, et un peu décontenancée, elle ne sut quoi répondre. Après ces quelques secondes de stupéfaction, elle se reprit et me demanda pourquoi je pensais cela. Je lui avais alors expliqué que mon enfant pleurait à chaque fois que je le prenais dans mes bras, et ce tous les jours depuis qu’il était né. On m’avait dit que cela passerait avec le temps mais j’avais de plus en plus de mal à le croire. S’il était mon fils, cela ferait quelque temps qu’il m’aurait reconnu, et là toujours rien. Aussi, j’étais certaine que ce n’était pas mon fils. Il avait peut-être son bracelet « Marc » sur le poignet mais ce n’était pas mon Marc. J’en étais sûre. Devant mon étonnante plaidoirie, à nouveau elle ne sut quoi répondre. Elle m’indiqua seulement qu’elle ne pensait pas qu’il puisse y avoir de telles erreurs, mais qu’elle allait appeler un médecin pour que je lui explique ma version des faits. Je devinai bien qu’elle ne me croyait pas mais peu importe, je ferai le même discours devant le médecin qui reconnaîtra peut-être les torts de l’hôpital.

     

    Quelques minutes après le départ de l’infirmière, elle revint avec un médecin. Je lui tins le même discours, comme prévu. Et sa réaction me laissa pantoise. Il m’avouait à demi-mot que de telles erreurs pouvaient être commises, d’autant plus qu’il y avait 2 Marc à la nursery, une erreur avait pu être faite. Heureusement pour moi, l’autre Marc était aussi chétif et était resté plus longtemps que prévu à la nursery. Le médecin l’autorisa donc à aller voir l’autre Marc. Elle demanda gênée si elle pouvait le prendre, et sous les regards réprobateurs de l’équipe médicale et de la maman, le médecin me fit un signe de la tête pour donner son accord. Je tendais donc les bras pour attraper ce petit homme pouvant être le mien. À quelques centimètres de lui, je sentis de la crispation et de la peur. Et si je m’étais totalement trompée, si j’avais accusé les médecins sans raison… Tout se mélangeait dans ma tête, mais il n’y avait qu’une seule façon de savoir si j’avais raison ou pas. Alors je pris l’enfant et le calai dans le creux de mon bras. Et là stupéfaction, pas un cri, pas une larme, rien du tout. Au moment même où je l’avais pris j’avais senti comme une connexion, comme celle que devrait toujours avec une mère avec son enfant. Désormais c’était certain, c’était mon Marc. Le plus dur maintenant était d’expliquer cela aux médecins et à la famille de l’autre Marc.

     

    Apparemment l’autre famille avait aussi des doutes sur l’identité de leur fils. Comme les deux familles étaient d’accord sur ce point, la proposition pour « échanger » les enfants fut acceptée par tout le monde. Même les médecins reconnurent leur erreur en autorisant cela. Après tout ça, je retournai épuisée dans ma chambre, avec mon vrai fils. Enfin. Cette nuit-là, je dormis très bien et des larmes de joie coulèrent sur mes joues. Je pouvais désormais profiter de la vie avec mon fils. À partir de cet instant, je sus que nous étions liés pour la vie. Il ne se souviendra sûrement jamais de cet épisode de sa vie, mais moi je fus marquée à vie par cette erreur. Depuis, je n’avais plus aucune confiance dans le corps médical.

     

     

     

     

     

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    Je ne comprends pas du tout ce se passe, je viens de revivre les premiers jours de ma vie. Et qui plus est, à travers les yeux de ma mère. Je n’ai jamais su avant aujourd’hui, les épreuves qu’elle avait dû subir lors de sa grossesse. Plus particulièrement les premiers jours suivants l’accouchement. Alors, un grand sentiment de culpabilité nait en moi. Je ne l’ai jamais aimée comme elle le mérite. Elle m’a perdu, cherché puis retrouvé malgré la réticence des médecins. Elle s’est battu pour moi contre l‘avis de tous. Je ne me souviens pas de ce passage-là de ma vie, mais désormais il resterait à jamais dans mon cœur. Je ne l’ai pas aimée comme elle le mérite. Cela va changer, à partir d’aujourd’hui je lui rendrai hommage chaque jour.

     

    Je ne sais pas comment j’ai pu revivre ces moments, mais j’en remercie le ciel de m’offrir cette seconde chance. A l’époque je n’étais ni assez grand ni assez mature pour comprendre ce qu’il se passait. Aujourd’hui j’ai la chance de vivre une deuxième fois ma naissance, mais avec un œil nouveau et une expérience plus grande. Je sens les larmes couler sur ma joue, mais ce n’est encore qu’une illusion, mon corps reste inactif. Je t’aime Maman. Je ne te l’ai jamais vraiment dit et désormais il est trop tard…

     


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    Arrivé en premier à l’hôpital, Marc était tout de suite parti au bloc. Son état n’était pas le plus inquiétant, mais parmi les personnes admisses à l’hôpital, il était celui qui avait le plus de chance de survie. Comme pour sa femme, il alla au bloc se faire retirer les morceaux de verre. Par contre, les siens n’étaient pas dangereux pour sa survie, la grande majorité étant enfoncés dans les bras. Certains avaient bien sûr atteint des os comme le radius ou le cubitus mais rien de très grave. Marc souffrira et ses bras s’en remettront sans difficulté avec le temps et de la patience. Aucune fracture ou débris ne nécessitait une lourde opération comme celles prévues pour la petite fille pour lui mettre des broches pour tenir les os entre eux. Mais s’il se réveillait, cette nouvelle n’allait sûrement pas le réconforter. Il devait tout de même subir une opération pour ses jambes cassées.

     

    Malgré la « facilité » des opérations, Marc demeura longtemps au bloc, pour l’extraction des morceaux de verre coincés dans ses bras et pour la réparation des fractures. Il fut également déplacé en salle de radiographie. Les médecins furent très attentifs, puisque les radios pouvaient encore révéler des morceaux cachés dans le corps de Marc. Les médecins ne pouvaient pas tout voir à l’œil nu. Après de longues minutes de scanner, d’attente et de discussions, les médecins finirent par se convaincre qu’aucun fragment ne se cachait dans le corps de Marc. Il put alors être renvoyé dans sa chambre. Il était toujours dans le coma à la sortie du bloc, et encore à son retour dans sa chambre. Les opérations furent éprouvantes autant pour les médecins que pour l’organisme du patient. La convalescence sera longue, mais les médecins restaient optimistes quant au réveil de Marc. Malgré tout, il restait sceptique, puisque personne ne connaissait les dégâts internes et les raisons pour lesquelles un corps entrait ou sortait du coma.

     

     

     

     

     

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    M.Francel avait très vite trouvé sa vocation : être gendarme, bien qu’aucun de ses parents ne le fût ou même ne travaillait dans un domaine lié à la justice. Sa mère était vendeuse dans une petite supérette de quartier, et elle travaillait énormément pour un salaire très faible. Elle se contentait de cela, elle ne pensait qu’à la survie de sa famille. Était-ce le sentiment d’injustice qui l’avait poussé à devenir gendarme ? Il voyait sa mère se tuer au travail pour ne rien récolter et il entendait tous les jours à la télévision des hommes ne manquant de rien, alors qu’ils n’avaient jamais travaillé. Voulait-il réparer ces injustices en devenant gendarme ? Cela personne ne l’avait jamais su, car lorsqu’on lui demandait pourquoi il avait choisi ce métier, sa réponse était toute autre. Il disait vouloir devenir gendarme puisqu’il voulait faire régner la paix dans sa ville. Sa volonté était plus forte que tout. Il ne cachait pas non plus que l’uniforme et l’arme jouaient un rôle dans cette vocation. Une fois certain de vouloir faire ce métier, il était parti à la recherche d’informations pour préparer au mieux les concours de la fonction publique. Il s’était déjà renseigné plus jeune, mais aujourd’hui ses rêves se concrétisaient. Il savait pertinemment qu’il n’était pas le seul à se présenter, et cela le motivait à se donner toujours plus. C’était dans cet état d’esprit qu’il se rendit au concours.

     

    Il savait très bien ce qui allait lui être demandé. Par conséquent, il avait passé les 4 derniers mois de sa vie à s’informer sur l’actualité mondiale. Il se renseignait aussi bien sur les histoires belliqueuses américano-irakiennes, les différents attentats qui avaient sévis dans le monde, les différentes manifestations et élections. Ses recherches ne s’arrêtaient pas là. Il apprit également la composition du gouvernement actuel, les ministres, leur poste, ainsi que toutes les institutions et leur lieu de résidence. L’épreuve écrite était en relation avec les faits divers ou l’actualité et pouvait parler de politique étrangère ou française. Fort de toutes ses préparations, M. Francel arriva plutôt serein à son concours. L’épreuve écrite consistait en une composition sur le sujet imposé. Pour cela, il disposait de plusieurs documents faisant office de sujet. Le sujet de son concours était simple : « L’argent et le sport, une relation floue ». Pour l’aider, les deux documents disponibles se présentaient différemment. Le premier était un article s’intitulant « L’argent ne doit pas diriger le sport », et l’autre se déclinait sous la forme de plusieurs graphiques montrant l’intérêt des sports par les jeunes et les revenus moyens des professionnels. Fabien Francel avait décidé de se laisser une vingtaine de minutes pour préparer son plan et décrire les documents joints. À la lecture du sujet, il savait déjà comment il allait orienter son argumentaire. Une première partie sur le sport et les valeurs qu’il apportait, et une deuxième sur la médiatisation des sports et la recherche de résultats. Il allait bien sûr s’appuyer sur les documents pour prouver ce qu’il disait.

     

    Après avoir étudié les documents, il se lança dans l’écriture de sa composition. Il commença par écrire son introduction où il faisait référence à un célèbre cycliste déchu de ses nombreux titres pour s’être dopé. Son accroche étant posée, il se lança dans l’écriture de la thèse.

     

    Elle se déclina en différents paragraphes. Tout d’abord il présenta ce qu’était le sport en donnant la définition tirée de l’article. Le paragraphe suivant décrivit les différentes valeurs du sport, notamment le fair-play, le respect des autres et des règles. Il termina sa thèse par une donnée montrant que l’année qui suivait un bon résultat sportif d’une équipe nationale dans un sport correspondait à une augmentation du nombre de licenciés dans cette fédération. Il pouvait désormais se lancer dans l’antithèse.

     

    Le sport était au service de l’argent car les sportifs étaient considérés comme des images de marque. Si un sportif portait tel ou tel vêtement, ses fans achèteraient le même. S’il avait une coiffure innovante, tous la voudraient également. Voilà l’idée qu’il présenta dans le premier paragraphe. Il entama le second en décrivant la loi de l’argent, disant que les sportifs étaient prêts à tout pour gagner, même s’ils devaient enfreindre les règles. De nombreux le faisaient, mais très peu étaient démasqués, donc ils continuaient. Les sportifs étaient plus attirés par l’appât du gain que par le sport. Fabien prit l’exemple de footballeurs qui étaient payés des millions pour courir derrière un ballon. Et pis encore, ils changeaient de clubs juste pour toucher encore plus dans le club voisin.

     

    Sa composition avait dû plaire car il obtint la meilleure note nationale du concours. Sa joie fut immense mais il savait très bien que le plus dur restait à venir, l’épreuve sportive. Tout le monde savait que Fabien était plus un littéraire qu’un sportif, ou du moins c’était ce qu’ils pensaient de lui. Son physique n’était pas forcément très avantageux, il n’avait rien à voir avec les grands aux épaules et aux bras trop musclés. Son corps était plutôt trapu. Il était petit mais cela le rendait très vif. Fabien misa sur cet avantage et il se débrouilla à merveille lors du premier atelier de vitesse. Contourner des plots, monter des marches ou encore enjamber des barres ne lui posa aucun problème. Là encore, il fit partie des meilleurs temps, loin devant les hommes bodybuildés.

     

     

     

     

     

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    Quelques heures après l’intervention, et à la surprise générale Marc se réveilla un peu. Il avait mal de partout, il ne pouvait pas vraiment bouger ses bras et encore moins s’appuyer dessus pour se lever. Ses yeux encore mis clos ne laissaient pas entrer beaucoup de lumière. Et le peu qui passa, semblait lui brûler les yeux. Par instinct, il les referma aussitôt. Décidé, il essaya chaque fois d’ouvrir un peu plus ses paupières. Cette manœuvre pour forcer son corps à réagir lui prit de longues minutes, et il fut surpris de voir devant lui une infirmière. Lorsqu’il parvint à les ouvrir entièrement. Elle passait dans le couloir au moment où il luttait avec lui-même pour se réveiller. Elle remarqua sa détresse, et elle prit l’initiative d’aller l’aider.  Uniquement après avoir prévenu un médecin que M. Roi était en train de se réveiller.

     

    Lorsque Marc avait ouvert les yeux, elle était donc revenue, mais sans le médecin, en consultation au même moment. Elle connaissait parfaitement son travail, et le médecin n’avait aucun doute sur les capacités de l’infirmière à définir l’état de santé et l’état mental du patient. Elle commença donc à lui demander comment il allait, puis elle enchaîna sur des questions personnelles comme son nom, son prénom, son âge pour savoir s’il se souvenait de tout. Il réussit à répondre aux questions sans problème.

     

    Elle continua son travail en lui demandant s’il savait pourquoi il était ici et ce dont il se souvenait. À ces questions, l’esprit de Marc devint plus encombré. Il se souvenait avoir pris la voiture pour aller à un repas de famille puis c’était le flou total. À ces mots, il réagit soudain, demandant des nouvelles de sa famille. C’était le plus important pour lui, et il ne voulait pas être responsable de leur mort. Dans ses yeux se lisait un mélange de tristesse, de peur, de culpabilité. En voyant cela, l’infirmière ne pouvait faire autrement qu’aller demander des informations sur la famille Roi. Au moment où elle sortait de la chambre, elle tomba nez à nez avec le médecin responsable de Marc. Elle lui relata les faits que lui avait présentés Marc, ne rajoutant ou n’omettant rien. Elle récita comme une élève ayant appris par cœur sa poésie, sans exprimer de sentiments pouvant influencer le médecin. Elle n’oublia pas non plus de demander des informations sur la famille de Marc, mais le médecin n’avait pas encore eu de retour des autres blocs. Soit il n’en avait pas eues, soit il ne souhaitait pas blesser encore plus son patient. Les opérations prévues étaient longues et plus elles duraient, moins l’espoir était permis.

     

    À ce même moment, ils virent un interne débouler, bouche grande ouverte, suant et suffoquant d’avoir couru si vite. Il venait apporter des nouvelles de Mathilde, car il savait que Marc s’était réveillé. Le médecin demanda à l’interne ce qu’il faisait et pourquoi il courrait ainsi. Après un bref échange, le visage du médecin se décomposa encore plus. Il venait d’apprendre de la part de l’interne, que la femme de Marc n’avait pas survécu. L’interne, le médecin et l’infirmière se regardèrent et décidèrent d’attendre un peu pour annoncer la mauvaise nouvelle à Marc. Ils espéraient qu’au moins une bonne nouvelle viendrait remonter quelque peu le moral de Marc. L’opération de la petite fille dont le nom était toujours inconnu – mais ce n’était pas cela qui importait les médecins pour le moment – était très longue et compliquée. Les minutes d’attente devinrent une heure puis deux avant que le médecin ne se décide enfin à parler au patient. Mais à son arrivée dans la chambre, le jeune homme était retombé inconscient dans son lit. Le coma l’avait déjà rattrapé et il sombrait de nouveau avec encore plus d’inquiétudes qu’avant. Il ne savait rien sur l’état de santé de sa famille.

     

     

     

     

     

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    Malgré la difficulté à ouvrir les yeux, je vois l’infirmière sortir de ma chambre, et à travers les rideaux, je devine qu’elle s’est arrêtée. Elle est en pleine discussion alors que moi, je souffre en attendant patiemment des nouvelles de ma famille. La discussion n’est pas longue, mais elle parait entrecoupée. Je ne comprends pas pourquoi. Et pour cause il ne voyait pas la 3ème personne cachée par la porte. Il ne se doutait pas qu’à quelques centimètres de lui, un jeune homme possédait des informations primordiales sur sa famille. Dès la fin de la conversion, je m’attends à voir un médecin rentrer pour me parler de ma famille, mais personne ne vient. L’infirmière est à nouveau seule et part, me laissant toujours sans information. Je trépigne d’impatience, en espérant voir quelqu’un entrer dans ma chambre, mais les minutes s’allongent, et l’absence d’informations m’inquiète. Je finis par contre que l’équipe médicale m’a oublié. De surcroît, je lutte toujours contre la fatigue. Les mêmes yeux que j’ai forcés à s’ouvrir toute à l’heure tentent maintenant de se refermer. Je m’arme de toute ma volonté pour que mes yeux restent ouverts, mais je les sens inlassablement se fermer, millimètre par millimètre, jusqu’au noir total. Dès cet instant, je ne sens plus de douleur dans mes bras et je ne peux plus lutter, mon corps a gagné l’épuisante bataille que nous livrions depuis de longues minutes. Le corps sortant vainqueur par K.O. du combat, c’est tout mon esprit qui sombre à nouveau dans le coma, toujours sans nouvelle de sa famille.

     

     

     

     

     

    §§§

     

     

     

     

     

    Mes yeux sont fermés, mais j’entends des bruits autour de moi. Quelqu’un ouvre la porte en la faisant claquer. Le bruit me fait peur, mais aucun de mes muscles ne réagit à ce son. J’essaie d’ouvrir mes yeux, je n’y arrive pas, j’essaie de parler, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Je cherche à attendre les barreaux de mon lit, mais mes mains et mes doigts ne me répondent pas. Comment se fait-il que je puisse entendre des bruits extérieurs ou même penser sans que mon corps ne réponde à mes ordres ? J’ai l’impression d’être prisonnier d’un corps qui ne m’appartient pas.

     

    J’entends la porte s’ouvrir à nouveau, je devine que l’infirmière rentrée quelques instants plus tôt repart. Je lui crie de rester, de me prendre ma main si elle m’entend, de se retourner. Mais malgré mes hurlements mentaux, rien ne se produit. Elle referme la porte, en s’appliquant à bien baisser le loquet pour ne pas la faire claquer.

     

    Si quelqu’un m’entend qu’il vient m’aider. À ces mots, je suis projeté dans mon corps, mes pensées se bousculent, je ne les contrôle plus. Lorsque soudain un flash…

     


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    Quelques minutes après l’accident, les sirènes des pompiers et des ambulanciers retentissaient déjà. Leurs voitures filaient à toute vitesse pour rejoindre le lieu du drame. Un homme avait vu une voiture s’encastrer dans un arbre, et il avait tout de suite appelé les pompiers. Ces derniers avaient alors contacté les gendarmes. L’accident semblait violent d’après les dires du témoin. Les pompiers craignaient pour la survie des passagers du véhicule accidenté. Une fois alertés, les agents de sécurité avaient tout de suite prévenu, en plus des gendarmes, des ambulanciers pour les accompagner sur le lieu de l’accident.

     

    Les gendarmes sur place étaient sous la responsabilité du lieutenant M. Francel, agent gradé de la gendarmerie. Malgré son « jeune » âge, il avait franchi rapidement les différents échelons faisant preuve de très grandes aptitudes au commandement et d’une résistance peu observée chez d’autres candidats, à l’horreur et aux épreuves physiques. Toutes ces compétences lui avaient valu une rapide prise de grade, ce dont il était extrêmement fier.

     

     

     

    Dès son arrivée sur les lieux, M. Francel avait défini un périmètre de sécurité et demandé à ses hommes de chercher d’éventuelles explications à cet accident. Il fit preuve d’une prise d’initiative très rapide malgré le manque d’envie. Lorsqu’il avait reçu l’appel au poste, il était tranquillement adossé à un fauteuil à boire un café chaud. Lorsque il reçut l’ordre de mission, il se renfrogna en apercevant le mauvais temps dehors. Il n’aimait pas beaucoup travailler de nuit, mais ce qu’il détestait le plus c’était travailler sous la pluie. Il trouvait ces conditions de travail exécrables. Dès qu’il raccrocha le combiné, il prévint son équipe, qui n’avait mis que très peu de temps à se préparer. Quelques minutes après l’appel du témoin oculaire, le camion déboulait déjà dans les rues désertes de la ville. L’avantage de ce temps pluvieux, pensait-il, c’est qu’il n’y a personne sur les routes pour nous empêcher de nous déplacer. C’était bien son unique réconfort, face aux nombreux rideaux d’eau tombant sur le pare-brise.

     

     

     

     

     

    §§§ 

     

     

     

     

     

    Quelques secondes après l’arrivée de l’équipe de M. Francel, les ambulanciers arrivèrent. Devant l’étendue des dégâts, ils ne purent pas grand-chose. La seule chose à faire était d’attendre que la voiture soit désincarcérée pour que ses passagers soient extraits. Les ambulanciers ne souhaitaient pas imaginer l’état des corps à l’intérieur de cette épave qui ressemblait à tout sauf à une voiture désormais.

     

     

     

    Comme il était le gendarme le plus gradé, bien qu’il ne soit pas le plus expérimenté, M. Francel commença son rapport en faisant un état des lieux. Il décrivit l’état de la voiture, de la route, les conditions météorologiques et tout autre détail qui pouvait être important dans la résolution de l’enquête. Ce rapport qu’il allait ensuite transmettre à ses supérieurs était le suivant :

     

     

     

    «Dimanche15 janvier 2017, Reims,19h30.

     

     

     

    Le témoin prénommé Pierre Marquez, nous a appelés après avoir vu l’accident. Il était à sa fenêtre lorsque l’accident s’est produit. Il est donc le témoin principal et probablement l’unique témoin de cet accident de la route. Une enquête sera ouverte sur les personnes avoisinantes. Je vous retranscris le témoignage, bien qu’il fût signalé au témoin d’aller poser et signer sa déclaration :

     

     

     

    « Il était aux alentours de 19h30, je me préparais tranquillement à manger. La fenêtre de ma cuisine donne directement sur la route, et j’ai vu une voiture s’encastrer dans l’arbre. Je ne peux pas vous dire à quelle vitesse le conducteur roulait, mais sa vitesse ne me paraissait pas excessive. J’entends par là que j’ai déjà vu des voitures aller beaucoup plus vite sur cette route. Elle est assez dangereuse avec ces arbres sur les côtés, il suffit de faire un petit écart pour en rencontrer un. Dès que j’ai vu l’accident, j’ai appelé la police pour qu’ils interviennent rapidement.

     

    Vos collègues m’ont demandé si je reconnaissais la voiture, mais je n’ai pas su répondre. La nuit et l’état de la voiture ne permettent pas vraiment une authentification, peut-être qu’avec le jour je la reconnaîtrai. »

     

     

     

    Ce témoignage, important, est consigné dans mon rapport et je vous en mets la copie dans le dossier.

     

     

     

    Après l’intervention de M. Marquez, je suis allé moi-même sur le lieu de l’accident pour faire mon propre rapport. A partir des éléments, voilà ce que j’ai déduit de l’accident :

     

    « Concernant la voiture du conducteur : c’est une voiture française de marque Peugeot et de modèle 207. Elle semble de couleur foncée, mais cela reste à confirmer lors de l’inspection du véhicule. La nuit étant très sombre, il n’est pas facile de définir précisément la couleur. Et ce malgré le fort éclairage utilisé pour désincarcérer la voiture.

     

    La voiture est venue percuter un arbre qui se trouvait à quelques centimètres de la route. La vitesse ne peut pas être estimée mais le choc semble très violent. L’arbre se trouve désormais au milieu du capot de la voiture. Cependant nous savons qu’un choc même à faible vitesse peut provoquer de gros dégâts. Il faudrait faire des tests pour estimer la vitesse de la voiture au moment de l’accident, mais je laisse cela aux experts et j’attendrai leur rapport.

     

    Les airbags de la voiture se sont déclenchés à l’avant du véhicule, mais la tôle est très abîmée, la voiture s’est « compressée » sous le choc, augmentant le risque de blessures pour les occupants du véhicule. »

     

     

     

     

     

    §§§

     

     

     

     

     

    Comme l’état des passagers était très préoccupant, la désincarcération devait être rapide. Des pompiers furent appelés en urgence pour effecteur l’opération, ils connaissaient très bien leur boulot. Grâce à la description des ambulanciers, les pompiers décidèrent d’effectuer une désincarcération par les portières. L’accès à la voiture était assez simple, et les dégâts principalement localisés à l’avant et un peu sur les ailes. Mais cela n’empêchait pas l’accès aux portières ni même à la partie avant. Les pompiers étaient donc venus avec tout le matériel nécessaire.

     

    L’opération fut lancée dès leur arrivée sur les lieux. À l’aide d’une cisaille, ils découpèrent tout d’abord l’aile au niveau de la roue avant pour faciliter l’accès à la portière. Rien que cette découpe fut difficile, la tôle pliée la rendait plus épaisse. Les pompiers s’énervaient du temps mis pour une découpe d’ordinaire simple et rapide. Ils n’étaient pas les seuls, les urgentistes trépignaient également d’impatience. Ils savaient que la survie des passagers dépendait de la vitesse de la désincarcération.

     

    Une fois la tôle découpée et retournée vers le capot, les pompiers employèrent l’écarteur pour accéder à la portière. Ils le placèrent au niveau des différentes charnières, pour les faire sauter les unes après les autres. Cela permit d’enlever la portière côté conducteur. Les ambulanciers glissèrent alors une attelle d’extraction sous le corps du conducteur et le firent tourner pour qu’il ait la tête vers la sortie. Puis vint une deuxième attelle pour la femme côté passager, qui sortit également du côté conducteur. Cela était compliqué, il fallait faire attention au patient, puisqu’il y avait toujours un risque de flexion ou de rotation de la colonne vertébrale.

     

    Pour accéder au corps de la petite fille à l’arrière de la voiture, les pompiers réitérèrent l’opération pour enlever la portière arrière côté conducteur. Une fois la tôle découpée, une troisième attelle vint se glisser sous la petite fille pour la sortir avec encore plus de précaution que ses parents. Son jeune âge rendait ses os plus fragiles.

     

     

     

     

     

    §§§

     

     

     

     

     

    « Concernant les occupants : ils sont au nombre de 3. D’après leur portefeuille, le conducteur et la passagère, Marc et Mathilde Roi, semblent mariés. Le 3ème passager est une petite fille, mais nous ne savons pas son âge. Cependant nous supposons que l’enfant à l’arrière de la voiture est leur fille. Mais cela reste encore à vérifier.

     

    À notre arrivée, aucun des passagers ne semblait conscient. Personne n’a répondu à nos appels. Les pompiers ont donc entrepris de désincarcérer la voiture. Au moment de sortir les corps, les ambulanciers en ont fait une description rapide. Le conducteur, Marc, semble le passager le moins blessé, bien que les ambulanciers ne se basent que sur des faits visuels.

     

    L’homme a les os des jambes cassés, auxquels s’ajoutent le nez cassé et de gros hématomes sur le torse dus à l’ouverture de l’airbag. Mais cela semble à peu près tout, toujours d’après les urgentistes. Leur rapport fait également état de quelques morceaux de verre enfoncés dans les bras provenant de l’explosion des vitres et du pare-brise. Encore une fois, rien de très grave en apparence.

     

    De nombreux os des jambes et des bras semblent facturés chez sa compagne, et des morceaux de verre sont venus se nicher dans différentes parties de son corps. Les jambes, la tête et le torse ont été atteints de nombreuses fois, mais le plus inquiétant était la probabilité que les cervicales soient touchées. Si c’était le cas, cela réduirait grandement ses chances de survie.

     

    Le corps de la petite est moins fracturé que celui de sa mère, mais du sang se voit sur le visage de l’enfant. Elle a probablement heurté le siège, lui ouvrant la tête et créant une possible commotion cérébrale.

     

    Concernant la chaussée, il est à noter que la journée entière fut très pluvieuse, la rendant très glissante. J’ai même remarqué quelques traces d’huiles et d’autres impuretés remontées à la surface avec la pluie. À moins que cela ne soit que des conséquences de l’accident et que la voiture ait quelques fuites. Encore une fois, cela sera confirmé pendant l’expertise.

     

    Bien que la vitesse réglementaire soit de 90km/h, ce tronçon de route est réputé comme très dangereux. D’après mes constations, ce n’est pas le premier accident mortel qui a lieu sur cette route D424. La présence d’une allée d’arbres à quelques centimètres de la route n’autorise aucun écart de conduite.

     

    La dangerosité de la route, ainsi que la présence importante d’eau sur la chaussée peuvent laisser penser à un simple accident. Je n’exclus pas encore cette hypothèse mais il y a un élément à prendre en compte qui me fait penser à autre chose qu’un simple accident. Nulle trace de freinage n’est visible, ni sur la route sur les quelques centimètres de bas-côtés. De nombreuses raisons peuvent expliquer cela : un excès de vitesse combiné à une alcoolémie élevée ; un endormissement au volant de la part du conducteur ; une voiture en mauvais état… Toutes ces hypothèses devront être vérifiées. »

     

     

     

     

     

    §§§ 

     

     

     

     

     

    Suite à l’accident, Marc est amené à l’hôpital avec sa famille. Le trajet depuis le lieu de l’accident et l’hôpital n’est pas très long, ce qui a permis une prise en charge « rapide » des 3 occupants. Rapide, si l’on excepte le temps d’extraction des corps.

     

    À son arrivée à l’hôpital, Marc est tout de suite séparé de sa famille. Lui seul semble à peu près réactif aux différents tests. Sa femme et la petite fille sont déjà plongées dans le coma, leurs corps n’ayant pas supporté la douleur.

     

    Chacun des passagers fut pris en charge individuellement dès l’arrivée aux urgences. Les urgentistes n’étaient sûr que d’une chose, l’identité de Marc et de sa femme. La petite fille leur était pour le moment inconnu, et l’état des deux femmes étaient inquiétant.

     

    M. et Mme Roi habitaient dans un petit village voisin, prénommé Calmplat-et-Boujacourt. Peu connaissaient l’origine de ce nom, mais tous les habitants du village et même ceux aux alentours pensaient que ce nom venait du calme qui résidait toujours dans le village. Comme il était petit et plutôt éloigné des grandes villes, les nuisances urbaines et autres sirènes d’ambulances ne faisaient pas religion. Seuls le marché et le boulanger perturbaient le silence quasiment constant de ce charmant village.

     

    Dans ces villages, la nouvelle se propage à la vitesse de la lumière. L’accident de la famille Roi était déjà commenté par tous les habitants. Ils remettaient en cause la conduite de Marc, s’appuyant sur son penchant pour l’alcool. Dès lors, il devint le souffre-douleur des calmois. Cette aversion nouvelle pour Marc allait être problématique pour la suite de l’enquête.

     

     

     

    À leur arrivée, le médecin présent dans la voiture de Marc décrivit son état, moins critique que les deux autres, et donna les informations nécessaires sur lui. Les urgentistes apprirent donc qu’il s’agissait de Marc Roi, âgé de 35 ans, vivant à Reims ou dans les environs. Ils découvrirent également les circonstances de l’accident, ne remettant pas en cause la responsabilité du conducteur. Ils n’étaient pas là pour juger les actes de Marc, ni même pour les comprendre, ils étaient simplement là pour tenter de le sauver, ainsi que les deux autres passagères. Mais très vite, ils découvrirent l’ampleur des blessures, et ils comprirent qu’il y aurait très peu d’espoir pour Mathilde et la petite fille. Comme elles étaient dans le coma, il n’était pas possible de prévoir leur réveil mais le maximum des soins leur serait donné…. En espérant un possible réveil qui pourrait ne jamais venir.

     

     

     

    La petite fille devait passer des scanners pour rechercher des traces de commotions cérébrales, subir des opérations pour poser des plaques pour les os cassés. Le plus visible restera la cicatrice sur le visage. Elle la gardera à vie, et cela lui rappellera toujours ce triste soir. Les médecins pensèrent qu’elle pourrait s’estimer heureuse si elle vit assez longtemps pour que sa cicatrice commence à « disparaître ». Encore une fois, le plus important aujourd’hui n’était pas l’esthétisme, mais bien entendu la vie de la patiente. Tant de questions à prendre en compte, tant d’incertitudes et si peu de chance de survie. Comment bien faire son travail avec toutes ces questions ? Et pourtant…

     

    Le cas de Mathilde était le plus désespéré. De nombreux morceaux de verre s’étaient logés dans différentes parties de son corps, rendant l’accession à ses organes très compliquée. La première étape consista donc à enlever tous ces fragments de verre, notamment les plus dangereux, ceux présents dans la tête et le torse de Mathilde. Pour le moment, les médecins ne savaient pas si le cerveau ou des organes vitaux étaient atteints par les débris. Il fallait donc les extraire pour faire une première évaluation de l’état de santé de la jeune femme. Cette seule opération avait pris des heures et utilisé pas moins de 2 médecins expérimentés. Et même avec leurs connaissances, l’opération s’était révélée très délicate. Un médecin s’occupait des morceaux nichés dans la tête et l’autre de ceux dans le torse.

     

    Les débris enfoncés dans le torse de la patiente ne présentaient pas, a priori, de grand risque. Le médecin estimait que leur enfoncement n’était pas suffisant pour mettre en péril des organes vitaux comme le cœur, le foie ou le pancréas. Il put donc les enlever « rapidement », et refermer les plaies, prenant soin de vérifier l’état de chaque organe. Il fut surpris de voir qu’aucun gros dégât n’était à déplorer.

     

    Mais le plus gros problème de Mathilde était les morceaux de verre logés dans sa boîte crânienne. Le médecin chargé de les retirer craignait qu’un morceau ait touché le cerveau, mettant en péril l’état de santé de la patiente. Une fois les plus gros morceaux, et surtout les moins dangereux retirés, elle fut amenée au scanner pour observer les débris restant, notamment ceux qui menaçaient le cerveau. Et le résultat fut très inquiétant, pour elle autant que pour les médecins. Personne n’aurait pu penser qu’autant de débris s’étaient logés dans le cerveau même. Au scanner, ils déploraient au moins 5 petits morceaux nichés dans le cerveau. Cette présence augmentait les risques pour la vie de la patiente. Le temps était donc compté. Le neurochirurgien appelé d’urgence observa les scans et donna son avis. Lui aussi fut sceptique quant à la possibilité de survie de la femme, mais il ferait son maximum pour les enlever. Il prévint toute l’équipe que, même s’il enlevait tous les morceaux, la patiente n’était pas sauvée pour autant. Le nombre et l’emplacement de ces débris pouvaient a minima la rendre handicapée moteur. L’opération était risquée, et pouvait provoquer des problèmes au niveau des sens, de la parole etc., voire même la mort. Le désarroi se lisait sur chacun des visages mais tous comprirent les paroles du neurochirurgien. Après cela, la patiente retourna au bloc avec son nouveau médecin. Il entreprit la longue et difficile opération, tout en sachant que les possibilités de réussite étaient très faibles. Il enleva deux morceaux du cerveau lorsque les moniteurs se mirent à sonner en cœur. En tentant d’enlever le 3ème morceau, il avait touché une zone sensible du cerveau. Il connaissait parfaitement le risque au moment il se lança dans l’extraction. Dès l’instant où les moniteurs avaient sonné, il sut qu’il était désormais trop tard. L’opération était trop difficile, et il n’avait pas réussi à la terminer. Il prononça l’heure du décès quelques minutes plus tard avec beaucoup de regrets et sorti tête basse du bloc. Le crâne de Mathilde fut refermé et son corps recouvert d’un drap blanc.

     


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