• Chapitre 2 : Un réveil douloureux

     

    Arrivé en premier à l’hôpital, Marc était tout de suite parti au bloc. Son état n’était pas le plus inquiétant, mais parmi les personnes admisses à l’hôpital, il était celui qui avait le plus de chance de survie. Comme pour sa femme, il alla au bloc se faire retirer les morceaux de verre. Par contre, les siens n’étaient pas dangereux pour sa survie, la grande majorité étant enfoncés dans les bras. Certains avaient bien sûr atteint des os comme le radius ou le cubitus mais rien de très grave. Marc souffrira et ses bras s’en remettront sans difficulté avec le temps et de la patience. Aucune fracture ou débris ne nécessitait une lourde opération comme celles prévues pour la petite fille pour lui mettre des broches pour tenir les os entre eux. Mais s’il se réveillait, cette nouvelle n’allait sûrement pas le réconforter. Il devait tout de même subir une opération pour ses jambes cassées.

     

    Malgré la « facilité » des opérations, Marc demeura longtemps au bloc, pour l’extraction des morceaux de verre coincés dans ses bras et pour la réparation des fractures. Il fut également déplacé en salle de radiographie. Les médecins furent très attentifs, puisque les radios pouvaient encore révéler des morceaux cachés dans le corps de Marc. Les médecins ne pouvaient pas tout voir à l’œil nu. Après de longues minutes de scanner, d’attente et de discussions, les médecins finirent par se convaincre qu’aucun fragment ne se cachait dans le corps de Marc. Il put alors être renvoyé dans sa chambre. Il était toujours dans le coma à la sortie du bloc, et encore à son retour dans sa chambre. Les opérations furent éprouvantes autant pour les médecins que pour l’organisme du patient. La convalescence sera longue, mais les médecins restaient optimistes quant au réveil de Marc. Malgré tout, il restait sceptique, puisque personne ne connaissait les dégâts internes et les raisons pour lesquelles un corps entrait ou sortait du coma.

     

     

     

     

     

    §§§

     

     

     

     

     

    M.Francel avait très vite trouvé sa vocation : être gendarme, bien qu’aucun de ses parents ne le fût ou même ne travaillait dans un domaine lié à la justice. Sa mère était vendeuse dans une petite supérette de quartier, et elle travaillait énormément pour un salaire très faible. Elle se contentait de cela, elle ne pensait qu’à la survie de sa famille. Était-ce le sentiment d’injustice qui l’avait poussé à devenir gendarme ? Il voyait sa mère se tuer au travail pour ne rien récolter et il entendait tous les jours à la télévision des hommes ne manquant de rien, alors qu’ils n’avaient jamais travaillé. Voulait-il réparer ces injustices en devenant gendarme ? Cela personne ne l’avait jamais su, car lorsqu’on lui demandait pourquoi il avait choisi ce métier, sa réponse était toute autre. Il disait vouloir devenir gendarme puisqu’il voulait faire régner la paix dans sa ville. Sa volonté était plus forte que tout. Il ne cachait pas non plus que l’uniforme et l’arme jouaient un rôle dans cette vocation. Une fois certain de vouloir faire ce métier, il était parti à la recherche d’informations pour préparer au mieux les concours de la fonction publique. Il s’était déjà renseigné plus jeune, mais aujourd’hui ses rêves se concrétisaient. Il savait pertinemment qu’il n’était pas le seul à se présenter, et cela le motivait à se donner toujours plus. C’était dans cet état d’esprit qu’il se rendit au concours.

     

    Il savait très bien ce qui allait lui être demandé. Par conséquent, il avait passé les 4 derniers mois de sa vie à s’informer sur l’actualité mondiale. Il se renseignait aussi bien sur les histoires belliqueuses américano-irakiennes, les différents attentats qui avaient sévis dans le monde, les différentes manifestations et élections. Ses recherches ne s’arrêtaient pas là. Il apprit également la composition du gouvernement actuel, les ministres, leur poste, ainsi que toutes les institutions et leur lieu de résidence. L’épreuve écrite était en relation avec les faits divers ou l’actualité et pouvait parler de politique étrangère ou française. Fort de toutes ses préparations, M. Francel arriva plutôt serein à son concours. L’épreuve écrite consistait en une composition sur le sujet imposé. Pour cela, il disposait de plusieurs documents faisant office de sujet. Le sujet de son concours était simple : « L’argent et le sport, une relation floue ». Pour l’aider, les deux documents disponibles se présentaient différemment. Le premier était un article s’intitulant « L’argent ne doit pas diriger le sport », et l’autre se déclinait sous la forme de plusieurs graphiques montrant l’intérêt des sports par les jeunes et les revenus moyens des professionnels. Fabien Francel avait décidé de se laisser une vingtaine de minutes pour préparer son plan et décrire les documents joints. À la lecture du sujet, il savait déjà comment il allait orienter son argumentaire. Une première partie sur le sport et les valeurs qu’il apportait, et une deuxième sur la médiatisation des sports et la recherche de résultats. Il allait bien sûr s’appuyer sur les documents pour prouver ce qu’il disait.

     

    Après avoir étudié les documents, il se lança dans l’écriture de sa composition. Il commença par écrire son introduction où il faisait référence à un célèbre cycliste déchu de ses nombreux titres pour s’être dopé. Son accroche étant posée, il se lança dans l’écriture de la thèse.

     

    Elle se déclina en différents paragraphes. Tout d’abord il présenta ce qu’était le sport en donnant la définition tirée de l’article. Le paragraphe suivant décrivit les différentes valeurs du sport, notamment le fair-play, le respect des autres et des règles. Il termina sa thèse par une donnée montrant que l’année qui suivait un bon résultat sportif d’une équipe nationale dans un sport correspondait à une augmentation du nombre de licenciés dans cette fédération. Il pouvait désormais se lancer dans l’antithèse.

     

    Le sport était au service de l’argent car les sportifs étaient considérés comme des images de marque. Si un sportif portait tel ou tel vêtement, ses fans achèteraient le même. S’il avait une coiffure innovante, tous la voudraient également. Voilà l’idée qu’il présenta dans le premier paragraphe. Il entama le second en décrivant la loi de l’argent, disant que les sportifs étaient prêts à tout pour gagner, même s’ils devaient enfreindre les règles. De nombreux le faisaient, mais très peu étaient démasqués, donc ils continuaient. Les sportifs étaient plus attirés par l’appât du gain que par le sport. Fabien prit l’exemple de footballeurs qui étaient payés des millions pour courir derrière un ballon. Et pis encore, ils changeaient de clubs juste pour toucher encore plus dans le club voisin.

     

    Sa composition avait dû plaire car il obtint la meilleure note nationale du concours. Sa joie fut immense mais il savait très bien que le plus dur restait à venir, l’épreuve sportive. Tout le monde savait que Fabien était plus un littéraire qu’un sportif, ou du moins c’était ce qu’ils pensaient de lui. Son physique n’était pas forcément très avantageux, il n’avait rien à voir avec les grands aux épaules et aux bras trop musclés. Son corps était plutôt trapu. Il était petit mais cela le rendait très vif. Fabien misa sur cet avantage et il se débrouilla à merveille lors du premier atelier de vitesse. Contourner des plots, monter des marches ou encore enjamber des barres ne lui posa aucun problème. Là encore, il fit partie des meilleurs temps, loin devant les hommes bodybuildés.

     

     

     

     

     

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    Quelques heures après l’intervention, et à la surprise générale Marc se réveilla un peu. Il avait mal de partout, il ne pouvait pas vraiment bouger ses bras et encore moins s’appuyer dessus pour se lever. Ses yeux encore mis clos ne laissaient pas entrer beaucoup de lumière. Et le peu qui passa, semblait lui brûler les yeux. Par instinct, il les referma aussitôt. Décidé, il essaya chaque fois d’ouvrir un peu plus ses paupières. Cette manœuvre pour forcer son corps à réagir lui prit de longues minutes, et il fut surpris de voir devant lui une infirmière. Lorsqu’il parvint à les ouvrir entièrement. Elle passait dans le couloir au moment où il luttait avec lui-même pour se réveiller. Elle remarqua sa détresse, et elle prit l’initiative d’aller l’aider.  Uniquement après avoir prévenu un médecin que M. Roi était en train de se réveiller.

     

    Lorsque Marc avait ouvert les yeux, elle était donc revenue, mais sans le médecin, en consultation au même moment. Elle connaissait parfaitement son travail, et le médecin n’avait aucun doute sur les capacités de l’infirmière à définir l’état de santé et l’état mental du patient. Elle commença donc à lui demander comment il allait, puis elle enchaîna sur des questions personnelles comme son nom, son prénom, son âge pour savoir s’il se souvenait de tout. Il réussit à répondre aux questions sans problème.

     

    Elle continua son travail en lui demandant s’il savait pourquoi il était ici et ce dont il se souvenait. À ces questions, l’esprit de Marc devint plus encombré. Il se souvenait avoir pris la voiture pour aller à un repas de famille puis c’était le flou total. À ces mots, il réagit soudain, demandant des nouvelles de sa famille. C’était le plus important pour lui, et il ne voulait pas être responsable de leur mort. Dans ses yeux se lisait un mélange de tristesse, de peur, de culpabilité. En voyant cela, l’infirmière ne pouvait faire autrement qu’aller demander des informations sur la famille Roi. Au moment où elle sortait de la chambre, elle tomba nez à nez avec le médecin responsable de Marc. Elle lui relata les faits que lui avait présentés Marc, ne rajoutant ou n’omettant rien. Elle récita comme une élève ayant appris par cœur sa poésie, sans exprimer de sentiments pouvant influencer le médecin. Elle n’oublia pas non plus de demander des informations sur la famille de Marc, mais le médecin n’avait pas encore eu de retour des autres blocs. Soit il n’en avait pas eues, soit il ne souhaitait pas blesser encore plus son patient. Les opérations prévues étaient longues et plus elles duraient, moins l’espoir était permis.

     

    À ce même moment, ils virent un interne débouler, bouche grande ouverte, suant et suffoquant d’avoir couru si vite. Il venait apporter des nouvelles de Mathilde, car il savait que Marc s’était réveillé. Le médecin demanda à l’interne ce qu’il faisait et pourquoi il courrait ainsi. Après un bref échange, le visage du médecin se décomposa encore plus. Il venait d’apprendre de la part de l’interne, que la femme de Marc n’avait pas survécu. L’interne, le médecin et l’infirmière se regardèrent et décidèrent d’attendre un peu pour annoncer la mauvaise nouvelle à Marc. Ils espéraient qu’au moins une bonne nouvelle viendrait remonter quelque peu le moral de Marc. L’opération de la petite fille dont le nom était toujours inconnu – mais ce n’était pas cela qui importait les médecins pour le moment – était très longue et compliquée. Les minutes d’attente devinrent une heure puis deux avant que le médecin ne se décide enfin à parler au patient. Mais à son arrivée dans la chambre, le jeune homme était retombé inconscient dans son lit. Le coma l’avait déjà rattrapé et il sombrait de nouveau avec encore plus d’inquiétudes qu’avant. Il ne savait rien sur l’état de santé de sa famille.

     

     

     

     

     

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    Malgré la difficulté à ouvrir les yeux, je vois l’infirmière sortir de ma chambre, et à travers les rideaux, je devine qu’elle s’est arrêtée. Elle est en pleine discussion alors que moi, je souffre en attendant patiemment des nouvelles de ma famille. La discussion n’est pas longue, mais elle parait entrecoupée. Je ne comprends pas pourquoi. Et pour cause il ne voyait pas la 3ème personne cachée par la porte. Il ne se doutait pas qu’à quelques centimètres de lui, un jeune homme possédait des informations primordiales sur sa famille. Dès la fin de la conversion, je m’attends à voir un médecin rentrer pour me parler de ma famille, mais personne ne vient. L’infirmière est à nouveau seule et part, me laissant toujours sans information. Je trépigne d’impatience, en espérant voir quelqu’un entrer dans ma chambre, mais les minutes s’allongent, et l’absence d’informations m’inquiète. Je finis par contre que l’équipe médicale m’a oublié. De surcroît, je lutte toujours contre la fatigue. Les mêmes yeux que j’ai forcés à s’ouvrir toute à l’heure tentent maintenant de se refermer. Je m’arme de toute ma volonté pour que mes yeux restent ouverts, mais je les sens inlassablement se fermer, millimètre par millimètre, jusqu’au noir total. Dès cet instant, je ne sens plus de douleur dans mes bras et je ne peux plus lutter, mon corps a gagné l’épuisante bataille que nous livrions depuis de longues minutes. Le corps sortant vainqueur par K.O. du combat, c’est tout mon esprit qui sombre à nouveau dans le coma, toujours sans nouvelle de sa famille.

     

     

     

     

     

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    Mes yeux sont fermés, mais j’entends des bruits autour de moi. Quelqu’un ouvre la porte en la faisant claquer. Le bruit me fait peur, mais aucun de mes muscles ne réagit à ce son. J’essaie d’ouvrir mes yeux, je n’y arrive pas, j’essaie de parler, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Je cherche à attendre les barreaux de mon lit, mais mes mains et mes doigts ne me répondent pas. Comment se fait-il que je puisse entendre des bruits extérieurs ou même penser sans que mon corps ne réponde à mes ordres ? J’ai l’impression d’être prisonnier d’un corps qui ne m’appartient pas.

     

    J’entends la porte s’ouvrir à nouveau, je devine que l’infirmière rentrée quelques instants plus tôt repart. Je lui crie de rester, de me prendre ma main si elle m’entend, de se retourner. Mais malgré mes hurlements mentaux, rien ne se produit. Elle referme la porte, en s’appliquant à bien baisser le loquet pour ne pas la faire claquer.

     

    Si quelqu’un m’entend qu’il vient m’aider. À ces mots, je suis projeté dans mon corps, mes pensées se bousculent, je ne les contrôle plus. Lorsque soudain un flash…

     


  • Commentaires

    1
    Samedi 5 Novembre 2016 à 12:27

    Ravie de découvrir ce deuxième chapitre. Tellement bien décrit que je me demande si ce n'est pas vécu (bien sûr, je ne souhaite pas le savoir, je ne veux pas être indiscrète...).

    J'attends la suite !

      • Samedi 5 Novembre 2016 à 13:28

        Bonjour.

        Non ce n'est pas du vécu mais je suis contente que vous trouviez cela bien écrit.

        Je mettrai encore un ou deux chapitres en ligne mais je ne vais pas publier tout le livre. Enfin je ne pense pas.

    2
    Dimanche 6 Novembre 2016 à 11:17

    Alors, puisque ce n'est pas du vécu, je confirme que vous avez un R E E L et S U P E R talent !!!... Votre souci du détail m'impressionne tant il colle à la réalité !

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